Qui n’a pas son carbone ? Plus léger, plus résistant, plus esthétique et aussi plus cher, le vélo en carbone n’est plus réservé à une élite fortunée.
Cadres en carbone, une conception high tech
Qui n’a pas son carbone ? Plus léger, plus résistant, plus esthétique et aussi plus cher, le vélo en carbone n’est plus réservé à une élite fortunée.
La fibre de carbone est une matière aussi complexe que miraculeuse. Une singularité qui amène nombre d’amateurs de beaux vélos à faire l’amalgame entre les différents classements de fibres, leurs appellations commerciales et les procédés de fabrication. Et pour rendre le sujet encore plus confus, chaque fabricant de cadres y va de sa formule secrète pour affirmer sa supériorité dans ce domaine qu’il s’appelle Specialized (avec sa série OCLV Carbone), Orbea (avec sa technologie Carbon GSB), Time (avec sa technologie RTM), Look, Giant ou Scott… Une chose est sûre, la fabrication de cadres en carbone est une affaire de spécialistes limitée à un petit cercle de constructeurs. En conséquence, il est extrêmement aventureux d’acquérir des produits trop bon marché auprès de marques inconnues ou non reconnues dans ce secteur.
Cuisine chimique
Face à l’importance du sujet, cet article se limitera donc aux différents types de fibres utilisées dans la fabrication des cadres et n’entrera pas dans l’élaboration de la fibre de carbone, vaste cuisine chimique.
Au départ, les groupes industriels mettent sur le marché différents types de fibres en fonction de leurs destinations finales et des procédés de transformation chimiques (à l’origine de tous ces process, la matière première s’appelle l’acrylonitrile, sous-produit du pétrole). Cette fibre revêt en effet différentes formes selon les applications industrielles : enroulements filaires (pour concevoir des réservoirs haute pression, tubes), produits tissus secs (pour l’industrie automobile, cyclisme, bateaux), tissus pré-imprégnés (aéronautique)… Le plus important de ces groupes, le Japonais Toray, produit 34 % du marché mondial de la fibre de carbone, soit environ 14000 t/an, profitant de l’explosion de la demande notamment dans l’industrie aéronautique civile. Ces industriels proposent donc trois familles de fibres qui offrent des prestations différentes et complémentaires : la HR (haute résistance), ayant une très forte résistance à la rupture, la HM (haut module), très bonne résistance à l’allongement permettant d’obtenir des produits extrêmement rigides et VHR (très haut module). Ces fibres disposent de résistances égales aux meilleurs aciers pour une densité cinq fois moindre. Des fibres aux appellations commerciales différentes, comme la M30S (à haut module) de chez Toray, ou encore la MS40 (haut module) de l’américano-japonais Hexcel, soit en tout une trentaine de fibres de carbone commercialisées par les huit plus gros producteurs mondiaux.
L’âme du vélo
Les bureaux d’études des constructeurs, ayant conçu les cadres de vélos de course ou de VTT à partir de logiciels CAO, vont donc s’orienter vers telles ou telles fibres en fonction de critères techniques et financiers. C’est donc un travail délicat, car l’âme du vélo en dépend : il sera hyper sportif ou destiné au cyclotourisme, et devra concilier le confort, la rigidité, la nervosité et la légèreté. Ses concepteurs pourront faire appel, pour un même cadre, à un, deux, voire trois types de fibres selon qu’il s’agisse des haubans, bases, tubes supérieur et transversal. D’autres fibres comme le polyamide permettent également de filtrer certaines vibrations. D’autres encore, comme le lin, récemment employé sur les cadres de la marque belge Museeuw, toujours pour un meilleur confort, participent à la recette d’un cadre en carbone. De son côté, Orbea a conjugué pour son dernier Orca deux fibres : la M30S (à haut module) et la M40J (à ultra haut module). Un choix qui a permis de gagner 12% de poids par rapport à l’ancienne version de l’Orca, tout en gagnant en rigidité. D’ailleurs par simplification d’appellation et surtout par soucis du secret, Orbea a défini une nomenclature on ne peut plus simple : OMG pour Orbea monocoque gold, OMS pour Orbea monocoque silver et OMB pour Orbea monocoque bronze. La première appellation (OMG) indique le type de fibre de carbone ayant un module maximum. La résistance à la traction et à la compression s’en trouve ainsi considérablement améliorée, produisant des structures d’une rigidité extrême comme les cadres des Orca (route), Alma G Team et G10 (VTT).
Surenchère technologique
Mais les secrets de fabrication ne s’arrêtent pas au panachage de fibres ou à l’utilisation exclusive d’une seule d’entre elles. Chaque bureau d’études s’applique à définir la meilleure orientation et le nombre de couches des fibres selon les tubes constituant le cadre. Time fait varier l’angle de tressage de la fibre de 15 et 60° selon les caractéristiques dynamiques de torsion et de flexion souhaitées en différentes zones de contraintes du cadre. Et comme s’il cela ne suffisait pas, les constructeurs se différencient aussi par la méthode d’assemblage de leurs cadres et le choix des résines (appelées matrices) qui servent à coller les fibres entre elles. Et pour relancer la surenchère technologique, Look utilise sur son dernier cadre 595 de la résine enrichie en nanotubes de carbone, pour accroître encore plus la cohésion entre les couches. Les nanotubes, technologie du futur des fibres de carbone, sont des filaments qui présentent une résistance 100 fois supérieure à l’acier, pour un poids divisé par six, avec une résistance peu commune aux hautes températures. Leur diamètre est de l’ordre du millionième de millimètre.
Différentes constructions
Mais sans entrer dans les détails de l’assemblage des cadres, il existe deux principes de construction. Le premier, le moulage monocoque, consiste à obtenir la pièce d’un seul tenant sans raccords et très profilée, tel que l’a adopté Orbea ; ceci permettant non seulement une grande liberté dans le design de ses cadres, mais aussi de garantir au fil des ans les propriétés techniques de ses constructions. Le deuxième procédé fait appel à l’assemblage des tubes par raccords collés, retenu par Look, Time ou Lapierre.
Apanage des grandes « maisons du vélo », cette technologie des cadres en carbone ne finira-t-elle pas par être délocalisée vers les pays à faible coût de main-d’œuvre, tant le nombre d’opérations manuelles est important et la contagion du « pas cher » est forte ? Assimilée à de la haute couture, cette industrie devra plutôt affronter les copies asiatiques comme tous les produits de luxe qui se portent bien malgré les crises.
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